Nous avons choisi de nous rendre de Phnom Penh à Siem Reap en bateau. Croisière de 6 heures environ pour un peu plus de 300 km, ce fut un choix merveilleux que nous ne regrettons pas.

Pour aller de la capitale cambodgienne actuelle à Angkor Wat, l’ancienne capitale du royaume khmer, on peut prendre le bus ou l’un des innombrables bus express (minibus de 12 places) qui conduisent au klaxon et qui rendent les routes cambodgiennes si pittoresques et dangereuses à la fois. Il vous en coûtera entre 10 et 15 €, pour 7 à 8 heures de trajet en fonction des compagnies, de l’heure de départ et des embouteillages dans Phnom Penh.

Qui n’a jamais rêvé d’une croisière sur un fleuve d’Asie?

Mais nous avons choisi de nous rendre de Phnom Penh à Siem Reap en bateau. Et pourtant tout le monde a essayé de nous décourager, à commencer par les internautes de tout poil. Trop cher, un seul trajet par jour, le départ est trop tôt, le bateau trop petit… Les cambodgiens eux-mêmes, la famille de Sophy en tête, ne comprenaient pas notre entêtement. Alors oui, c’est plus cher puisqu’il faut compter 35$ par personne. Toutefois, comme partout ailleurs, j’ai négocié un peu et obtenu le passage à 110$ pour 4, soit un peu plus de 88€. Qui ne tente rien n’a rien et ce n’est pas si cher au final, pour une aventure en bateau. Le départ est à 7h30, tous les jours, depuis l’embarcadère de la compagnie Angkor Express à quelques centaines de mètres de Wat Phnom. Les billets s’achètent au même endroit, en anglais.

Le bon choix

Le bateau est très propre avec des sièges confortables dans une salle aérée qui peut être climatisée. Les passagers peuvent se promener sur le bateau et profiter de la vue sur le pont avant ou le pont arrière. Attention toutefois aux coups de soleil. Il y a même un service de boissons fraîches à bord, servies vers 11h et 13h. Coca-Cola, bière ou bouteille d’eau, tout à 1$, c’est moins cher que dans les bars de Phnom Penh.

Et c’est parti pour 6 heures de bateau, sur les eaux calmes du Boeung Tonlé Sap, signifiant littéralement « grande rivière d’eau douce » mais traduit plus fréquemment par « grand lac ».

Le Tonlé Sap

Nous quittons rapidement les faubourgs de Phnom Penh, entre immeubles ultra-modernes et bidonvilles  pour croiser des embarcations de toutes sortes depuis des barges de commerce, souvent sous pavillon vietnamien, jusqu’à de frêles esquifs de pêcheurs.

Absolument pas monotone, le paysage se modifie au gré des bras de rivière plus ou moins larges qu’emprunte le bateau.

Une réserve d’eau douce vitale

Il faut savoir que le Tonlé Sap est un système hydrologique combinant lac et rivière portant ce même nom et d’une importance capitale pour le Cambodge. Le lac est le plus grand lac d’eau douce d’Asie du Sud-Est et un site de première importance du point de vue écologique et économique, reconnu en tant que réserve de biosphère par l’Unesco. Le lac Tonlé Sap est situé en plein centre du Cambodge, la rivière du même nom relie le lac au Mékong, le confluent se situe à Phnom Penh, à proximité de l’embarcadère.

Un régime d’écoulement alternatif

Selon la saison, la rivière Tonlé Sap coule du lac vers le Mékong (du nord vers le sud en saison sèche de novembre à mai) ou du Mékong, alors en crue, vers le lac (du sud vers le nord en saison de fonte des neiges himalayennes et des pluies de mousson de mai à novembre). C’est un régime d’écoulement alternatif et c’est très rare, unique au monde à cette échelle. Le lac sert ainsi de déversoir au trop-plein des eaux en période de hautes eaux et de réservoir en période de basses eaux. Le lac Tonlé Sap est donc une protection naturelle contre les inondations du Mékong. C’est parfois insuffisant, comme en 2010, pour juguler les inondations dont Phnom Penh porte encore les stigmates aujourd’hui.

Pour les curieux, vous trouverez plus d’infos ici sur la page Wikipédia consacrée au Tonlé Sap ou là dans une très belle vidéo en anglais.

Les villages flottants

Après quelques dizaines de minutes apparaissent les premiers villages de pêcheurs. Souvent construites sur pilotis, pour limiter les dégâts lors des crues, les habitations sont colorées. Les enfants jouent au bord de l’eau et les vaches, maigres, si typiques du Cambodge, paissent paisiblement. Et qui dit villages dit marchés, car au Cambodge, tout le monde a toujours quelque chose à vendre. Petits marchés d’appoint, trop proches de la capitale au début de la croisière, les marchés grossissent au fur et à mesure jusqu’à devenir de vrais marchés flottants. L’image est belle et loin des circuits touristiques organisés près de Siem Reap. Ici on ne s’arrête pas, mais on profite du spectacle qu’offrent les allées et venues des bateaux le long des villages flottants.

Tout à coup, une embarcation située sur l’avant  semble à la dérive et ses passagers font de grands signes. Notre bateau ralentit, sans s’arrêter complètement pour permettre à la pirogue de se porter à notre côté. Un jeune homme se lève. Il porte deux sacs de voyage et saute sur notre bateau. Déjà la pirogue s’éloigne et les passagers font de grands signes d’au-revoir. Nous venons d’embarquer un nouveau passager.

Puis, sans prévenir, la rivière s’élargit pour laisser place au lac Tonlé Sap, plus grande réserve d’eau douce et de poisson d’Asie du Sud Est. Que ce soit pour les poissons péchés dans ces eaux ou pour les légumes, les fruits ou le riz obtenus grâce à l’irrigation de ces eaux abondantes, les marchés de Phnom Penh dépendent du Tonlé Sap. Les berges ont disparu, simple trait fin, plus sombre à l’horizon. Et encore, nous sommes début mars, à la fin de la saison sèche et le niveau du lac est au plus bas.

La croisière s’amuse

Le niveau de l’eau stoppera justement notre progression à deux reprises. Nous sommes arrêtés brutalement une première fois, dans un grand bruit de frottement et il faut alors tout le savoir faire des marins pour désensabler le bateau qui avait touché le fond, littéralement, à l’aide de grandes tiges de bambou, comme une pirogue. Lors de notre second arrêt, ce sont des filets le pêches et des cordages les fautifs. Il faudra de longues minutes au capitaine (le second ne sait pas nager) pour dégager l’hélice, à laide d’une serpette dans l’eau.

Même la fin de la traversée du lac, un peu longuette, est égayée par les nombreux bateaux de pêcheurs que nous croisons, toujours prêts à répondre à un signe de main. Soudain, une colline se dégage de la brume à tribord avant. Le bateau s’engage péniblement dans la Siem Reap river pour s’approcher au plus près de Siem Reap. Le niveau de l’eau nous garantie un débarquement acrobatique qui marque la fin de notre croisière.

Au final, nous n’avons pas vu passer les 6 heures de navigation et nous ne regrettons pas d’avoir choisi de faire le trajet de Phnom Penh à Siem Reap en bateau. Si vous devez faire comme nous, soyez simplement prévoyants et emportez de quoi vous restaurer à bord. Les voyages, c’est bien connu, ça creuse et les enfants sont venus à bout des trois paquets de chips que nous avions prévus.

Nota: On peut aussi prendre l’avion, c’est de loin le moyen de transport le plus rapide mais c’est aussi le plus cher puisqu’il faut compter de 70 à 140€ la place. Si le temps le permet, il doit être possible d’apercevoir le Tonlé Sap par le hublot, mais probablement pas les villages flottants, ni aucun marin sympa avec qui discuter 😉